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Accueil > Genou >Entorse > Rupture du LCA > Protocole de suivi postopératoire > article Rééducation après reconstruction du ligament croisé antérieur : kinésithérapie de proximité ou centre de rééducation ?Dr
B. Rousseau, Dr M. Dauty, Pr J. Letenneur, Dr L. Sauvage, Dr. G. De Korvin Article parue dans la "Revue de Chirurgie Orthopédique", 2001, n° 87, p 229-236
INTRODUCTION
Depuis 15 ans, les progrès de la chirurgie et de la rééducation ont permis de faciliter la prise en charge postopératoire des patients opérés d'une reconstruction du ligament croisé antérieur (LCA). Le recours à de nouvelles techniques de chirurgie moins invasives telle l'opération de Kenneth Jones ou les techniques sous arthroscopie ont largement diminué les atteintes articulaires et péri-articulaires, et assuré une meilleure tenue du transplant rendant possible les mobilisations et l'appui immédiats [Boileau et al.(1)]. Parallèlement, l'amélioration des techniques de rééducation, comme le travail en chaîne cinétique fermée, permet d’accélérer la récupération tout en diminuant les contraintes sur le genou [Beynnon et al. (2,3), Bynum et al. (4)]. Ces progrès ont rendu possible une rééducation ambulatoire que l'équipe de Shelbourne a développée [Shelbourne et al. (5, 6, 7)] et qui est maintenant effectuée dans de nombreux pays [Beard et al. (8), Zätterström et al. (9)]. Malgré cela, en France, la rééducation après reconstruction du LCA est majoritairement effectuée en hospitalisation complète en structure de rééducation publique ou privée durant le premier mois postopératoire. L’objectif de cette étude est d'évaluer la rééducation ambulatoire après reconstruction du ligament croisé antérieur selon la technique "os - tendon rotulien - os". Pour cela, les résultats de 2 groupes de patients opérés ont été comparés. Le premier groupe a été rééduqué exclusivement en ambulatoire et le deuxième groupe a été rééduqué initialement en structure de Médecine Physique et de Réadaptation (MPR) en hospitalisation complète pendant 3 semaines.
Matériel
et méthode
Matériel
103 patients atteints d'une rupture du LCA ont bénéficié d'une intervention suivant la technique de greffe du LCA par transplant libre "os-tendon rotulien-os". Cette technique consiste en une reconstruction du LCA par le tiers médian du ligament patellaire pourvu d’une baguette osseuse à chaque extrémité. La baguette proximale est fixée dans l’os au niveau de la face médiale du condyle latéral et la baguette distale au niveau de l’émergence du LCA sur le tibia par 2 vis d’interférences. Le transplant est fixé à 30° de flexion et l’isométrie est vérifiée en flexion et extension. Deux drains de Redon sont posés, l'un en intra-articulaire, l'autre dans les plans profonds. Un bandage compressif est ensuite mis en place ainsi qu'une attelle amovible en coutil baleiné de protection. Durant l'hospitalisation, le patient se lève dès le lendemain de l’intervention et la rééducation est alors commencée. L’appui complet est autorisé immédiatement sous couvert de 2 cannes anglaises et de l'attelle de protection. Les drains sont ôtés à 48 heures et le patient sort aux alentours du 5ème jour postopératoire avec un traitement par héparine de bas poids moléculaire à dose préventive (5000 UI/j) pendant 3 semaines. Pendant l’hospitalisation, la kinésithérapie s’attache à récupérer l’extension, la flexion et le verrouillage du genou ainsi que la marche avec l’attelle et des cannes anglaises. À la sortie, les patients sont inclus dans 2 groupes suivant la rééducation qui est entreprise pendant le 1er mois postopératoire : groupe A : "rééducation ambulatoire exclusive" et groupe B : "rééducation avec hospitalisation en structure de MPR". La rééducation et le suivi postopératoires suivent un protocole précis décrit dans un livret remis au patient à la sortie de l'hospitalisation où figurent des informations générales sur la chirurgie pratiquée, le suivi et la rééducation, des conseils de reprise du sport, des exercices à domicile et une annexe décrivant la kinésithérapie. La phase de réadaptation aux activités de la vie quotidienne dure 4 à 6 semaines. Cette phase est destinée à retrouver une vie quotidienne normale (marche, montée et descente des escaliers, et conduite automobile). Elle a pour objectifs la reprise de la marche sans aide, l’obtention d’un genou indolore, d’une extension complète et d’une flexion active supérieure à 120° (le travail d'extension est stoppé quand l'extension à 0° est acquise). La suppression des aides à la marche se fait dès qu’un bon contrôle du genou debout est obtenu (3 à 4 semaines). La rééducation du groupe A est effectuée par un kinésithérapeute de proximité choisi par le patient, à raison de 3 séances par semaine pendant 6 semaines. Des exercices à domicile sont effectués pour accélérer la récupération. La rééducation du groupe B s'effectue en internat, à raison de 2 heures par jour, 5 jours sur 7, dans une structure de MPR pendant 3 semaines puis en ambulatoire comme le groupe A. La phase d’auto-rééducation s'étend de 6 semaines à 4 mois. La kinésithérapie est suspendue à cette phase pour éviter un surmenage supplémentaire du genou, le transplant étant dans sa période de fragilité mécanique. Il est fourni un programme d’exercices à domicile et de reprise progressive d’activités sportives non contraignantes pour le genou (natation puis bicyclette). La phase de rééducation musculaire et proprioceptive se déroule entre 4 et 6 mois. Quinze séances de kinésithérapie sont réalisées à raison de 2 séances par semaine. Cette phase permettra une récupération maximale des amplitudes, de la force et de la stabilité du genou. Parallèlement, la course à pied est reprise. Avant la reprise de la course sur terrain plat, il est pratiqué un bilan clinique et une mesure de la force musculaire sur un appareil isocinétique. La phase de réadaptation sportive s'étend de 6 mois à 1 an. Elle permet la reprise progressive des sports en ligne puis du sport antérieur à l'entraînement et enfin en compétition.
Méthode
Cette étude a été menée, de façon prospective et continue, chez 108 patients de 1995 à 1999. Les critères d’inclusion étaient les patients présentant une rupture du LCA isolée, opérés selon la technique "os-tendon rotulien-os", à distance du traumatisme, éventuellement associée à une lésion méniscale et les patients ayant accepté de bénéficier du programme de rééducation et de suivi médico-chirurgical proposé. Les critères d’exclusion étaient représentés par la notion d’une intervention antérieure sur ce genou (excepté une arthroscopie exploratrice ou thérapeutique méniscale), d’une pathologie associée (rhumatismale ou arthrosique) ou d’une lésion grave d’autres structures du genou ayant nécessité ou non un geste chirurgical associé (Lemaire externe, réfection du point d’angle postéro-interne ou externe, ostéotomie…) ainsi qu’une interruption du suivi médico-chirurgical avant 4 mois. Tous les patients ont été informés du protocole de suivi et ont donné leur consentement éclairé. La répartition des patients dans chaque groupe a été laissée au libre choix du patient en fonction de critères extra-médicaux personnels (autonomie, renommée d'un centre,…). Cinq patients ont été exclus précocement car perdus de vue avant 4 mois. Cent trois patients ont pu être étudiés. Les données ont été recueillies sur une base de données et l’évaluation a été faite aux différentes consultations médicales prévues par le protocole soit à 3 semaines, 6 semaines, 4 mois, 6 mois et 12 mois postopératoires. La base de données comprenait différents paramètres a) les données démographiques (âge, sexe, taille, poids) ; b) les données chirurgicales : délai entre l’entorse grave et l’intervention, le type exact de geste chirurgical effectué (voie d’abord, technique, lésion éventuelle méniscale ou cartilagineuse, geste associé) ; c) l’activité sportive antérieure (sport pratiqué, classification Arpege CLAS : C : compétition nationale, régionale ou départementale, L : loisir, A : actif, S : sédentaire) et le sport responsable de l’entorse ; d) la profession a été classée en 3 catégories en fonction de l’activité physique (Sédentaire : travail de bureau, scolaire ou étudiant, Actif : station debout ou marche prolongées sans port de lourdes charges, Physique : port de lourdes charges ou activités physiques intenses). À chaque consultation, l’épanchement était évalué suivant une cotation de 0 à 3 (0 : pas d’épanchement, 1 : épanchement minime (lame d’épanchement), 2 : épanchement de moyenne importance, 3 : épanchement important). Les amplitudes étaient mesurées en degrés à l'aide d'un goniomètre (extension/flexion) selon les règles usuelles. L’état ligamentaire du genou était exploré par le test de Lachman-Trillat (0 : pas de tiroir, +- : tiroir minime, + : tiroir modéré, ++ : tiroir important) avec notation de l’arrêt dur ou mou, la recherche des tiroirs en flexion en rotation externe, nulle et interne (même cotation) et la recherche du ressaut (positif ou négatif). Les scores fonctionnels de Lysholm et Tegner ont été utilisés [Tegner et al. (10)]. Pour le score de Tegner, nous avons utilisé un calcul inspiré de Beard [Beard et al. (8)] consistant à diviser le score de Tegner par le score souhaité par le patient avant l’intervention. Le résultat est exprimé en pourcentage du Tegner souhaité. À 1 an postopératoire, l'évaluation a été complétée par le score Arpege [Dejour H. et al (11)] et Ikdc (International Knee Documentation Committee). L’évaluation isocinétique a été réalisée à 4 mois et 6 mois. La machine utilisée est un dynamomètre isocinétique Cybex 1000 (Cybex® medical, division de Heiney, Sugar Land, Texas, USA) avec analyse informatique du signal. Le logiciel d’analyse ne permet pas la correction liée à la pesanteur. Tous les tests ont été effectués sur la même machine par le même opérateur. Après un échauffement de quelques minutes sur l’appareil, la moyenne des pics de force du moment de couple des fléchisseurs et extenseurs de jambe est enregistrée sur 3 répétitions à 60°/seconde et sur 5 répétitions à 180°/seconde. L’analyse statistique a été effectuée en utilisant le test T de Student pour les variables quantitatives. Une analyse des variances était réalisée avec le test de Fischer corrigé pour les comparaisons de petits échantillons (n<30). La comparaison des variables qualitatives a fait appel au test du Khi 2. Les résultats ont été considérés comme statistiquement différents pour une valeur de p < 0,05. RésultatsDonnées pré et peropératoires (Tableau I) Sur les 103 patients étudiés, 55 patients ont été inclus dans le groupe A et 48 dans le groupe B. L'âge moyen pour l'ensemble de la population est de 24 ans +- 7 pour une taille de 1,72 m +- 0,08 et un poids de 69 kg +- 11. Les patients masculins représentent 67% de la population. Aucune différence statistiquement significative n'est retrouvée entre les groupes A et B. Soixante dix pour cent des patients font du sport en compétition, pour 23% en loisir et 7% sont non-sportifs. La moyenne du score de Tegner avant l'entorse est à 7 dans les 2 groupes. Professionnellement, 58% des patients ont un travail sédentaire, 18% un travail actif et 28% un travail physiquement éprouvant. Aucune différence statistiquement significative n'est retrouvée entre les groupes A et B pour ces différents paramètres. Tous les patients présentaient avant l’intervention un signe de Lachman positif avec arrêt mou et un ressaut positif. Une instabilité vraie ou un risque élevé d'instabilité du fait d'une activité fonctionnelle (sportive ou professionnelle) était présent. Parmi les entorses dues à l'activité sportive, le football est le sport le plus fréquemment responsable de l’entorse (34% des cas). Viennent ensuite, le basket (19%), le ski (18%), le handball (9%) puis le volley (7%). Les autres activités sportives représentent au total 13% des entorses. Dans 8% des cas, un accident de la voie publique est en cause. Le plus souvent, le sport responsable de l'entorse est celui habituellement pratiqué sauf pour le ski qui représente 18% des entorses mais 1% des sports pratiqués habituellement. La comparaison des groupes A et B ne retrouve aucune différence statistiquement significative pour ces différents paramètres. Trois-quarts des patients ont été opérés avant 1 an, la moitié avant 6 mois et un tiers avant 3 mois sans que soit retrouvée une différence statistiquement significative entre les groupes. Quatre vingt dix sept patients ont été opérés par arthrotomie, 3 patients dans chaque groupe l’ont été par arthroscopie. La fréquence de lésions méniscales est plus importante dans le groupe A (43%) que dans le groupe B (19%), (p = 0,04). La répartition entre lésion interne et externe est la même dans les 2 groupes (deux lésions méniscales internes pour une externe). En résumé, aucune différence statistiquement significative n'est retrouvée entre les 2 groupes pour les données démographiques, pour les activités sportives et professionnelles et pour les délais d'intervention. La seule différence significative concerne la plus grande fréquence des lésions méniscales dans le groupe A qui a bénéficié d'une prise en charge kinésithérapique ambulatoire. Résultats
postopératoires
Le délai de suivi postopératoire est comparable dans les 2 groupes (Groupe A : 354 jours +- 225, groupe B : 363 +- 244). Quatre vingt quatre pour cent des patients du groupe A ont été revus à 6 mois contre 67% dans le groupe B (p = 0,04). À 1 an, le taux de révision est comparable avec 55 et 50% respectivement. Ce taux correspond exclusivement à des malades perdus de vue à 6 mois et 1 an. La comparaison des mobilités en extension et flexion (Tableau II) aux différents temps postopératoires ne montre aucune différence statistiquement significative entre les 2 groupes exceptée pour la flexion à 3 semaines pour laquelle, on note une différence significative (p = 0.04, groupe A : 96° +- 17 versus B : 109° +- 13). L'évolution de l'épanchement aux différents temps postopératoires ne montre aucune différence statistiquement significative entre les 2 groupes. L'étude des laxités résiduelles à 1 an (Tableau III) ne montre aucune différence statistiquement significative pour le Lachman clinique et radiologique et pour la présence d'un ressaut. La comparaison des scores fonctionnels (Tableau IV) ne montre aucune différence significative. Les scores de Lysholm et Tegner modifié sont comparables tout au long de l'évolution sur 12 mois. À 1 an, les scores Arpege et Ikdc ne sont pas significativement différents dans le groupe A et B. La comparaison des dates de reprise des activités quotidiennes, sportives et professionnelles ne montre aucune différence statistiquement significative (Tableau IV). La comparaison des données isocinétiques (Tableau V) ne montre aucune différence statistiquement significative. ComplicationsQuinze complications ont été retrouvées dans chaque groupe : 2 syndromes du cyclope opérés et 4 algodystrophies dans chaque groupe ; 5 souffrances de l'appareil extenseur (syndrome rotulien exclusivement) dans le groupe A et 1 dans le groupe B ; 3 douleurs sur le site de prélèvement dans le groupe A et 8 dans le groupe B (dont 1 a nécessité une reprise chirurgicale). Un échec précoce a été noté dans le groupe A qui a nécessité une reprise chirurgicale. Cet échec est lié à une erreur technique chirurgicale et a entraîné une laxité précoce (Lachman ++ avec arrêt mou et ressaut) dès 6 semaines puis une instabilité ayant nécessité une reprise chirurgicale au 6ème mois postopératoire. Parmi ces complications, une algodystrophie a laissé un syndrome rotulien séquellaire à 2 ans et un syndrome rotulien a persisté au-delà d'un an. La comparaison du nombre de complications ne montre aucune différence statistiquement significative entre les 2 groupes. À 1 an, un déficit de flexion par rapport au côté opposé compris entre 10 et 20° existe chez 13% des patients du groupe A et 6% du groupe B (aucun déficit supérieur n'est noté). Un déficit d'extension entre 5 et 10° est présent chez 4% dans le groupe A et 0% dans le groupe B (aucun déficit supérieur n'est noté). La différence de ces déficits d'amplitudes ne montre aucune différence statistiquement significative.
Discussion
D'un point de vue méthodologique, 2 points importants doivent être signalés. Le choix du groupe de rééducation n'a pas été randomisé mais laissé au libre choix du patient. Ceci entraîne un biais de sélection. La randomisation n'a pas été utilisée du fait qu'un certain nombre de patients nécessitait un séjour en centre (patient non autonome à domicile car vivant seul ou habitant un logement avec étages) et que d'autres patients souhaitaient un groupe précis. L'autre point important est le pourcentage de patients "perdus de vue". L'objectif initial de l'étude était de comparer la récupération fonctionnelle des patients à 6 mois. Le taux de perdus de vue à cette date est de 16% pour les patients du groupe A et de 33% des patients pour le groupe B. Afin de pouvoir disposer de données plus complètes et en particulier des scores Arpege et Ikdc, nous avons souhaité prolonger l'étude jusqu'à 1 an. Ceci explique vraisemblablement le taux important de perdus de vue à cette échéance, respectivement 45 et 50%. À ces réserves près, notre étude à partir d'un groupe homogène de 103 patients, n'a globalement pas montrer de différence statistiquement significative entre le groupe rééduqué d'emblée en ville et le groupe rééduqué initialement en centre. Les lésions méniscales, plus fréquemment rencontrées dans le groupe A, n'ont pas influencé significativement le résultat final. Les résultats postopératoires montrent une différence significative uniquement pour la flexion à 3 semaines, plus importante dans le groupe B que dans le groupe A. Cette différence s'explique par le fait que les mesures ont été réalisées dans ce groupe non à 3 semaines (comme dans le groupe A) mais à 1 mois à la sortie du centre de MPR. À 1 an, si les résultats globaux (Arpege excellent et bons, Ikdc A et B) sont conformes à la littérature [Laffargue et al (12), Beard et al (8), De Carlo et al (13), Fischer et al (14), Schenck et al (15), Shelbourne et al (7), Treacy et al (16)], nos scores Arpege excellent et Ikdc A sont plutôt faibles. Ceci est dû au fait que nous restons prudents sur la reprise du sport en souhaitant une reprise complète à 1 an. Les patients sont donc seulement cotés bons pour l'Arpege (pas de reprise du même sport au même niveau) et B pour l'Ikdc (le genou n'étant pas encore totalement normal). Les autres résultats sont globalement conformes aux différentes séries citées précédemment. La comparaison de nos résultats avec la littérature est difficile, car nous n'avons retrouvé aucun article comparant la rééducation en centre de MPR et en ambulatoire. Plusieurs études comparent différents protocoles de rééducation postopératoire [Beard et al. (8), Zätterström et al. (9), De Carlo et al. (13), Fischer et al. (14), Schenck et al. (15), Treacy et al. (16)]. Toutes ces études comparent entre eux des protocoles ambulatoires stricts avec différents suivis. En général, un groupe de patients rééduqués par un kinésithérapeute en ambulatoire est comparé à un autre groupe dans lequel les patients effectuent leur rééducation par eux-mêmes, uniquement en auto-rééducation. Il semble, en fait, que dans les pays anglo-saxons et nordiques, la question de la rééducation en internat ne se pose plus depuis de nombreuses années. L'analyse du coût financier par rapport à l'efficacité est sans doute à l'origine de cette démarche. La limite actuelle du programme tient essentiellement à l'autonomie du patient. En effet, le retour à domicile implique une autonomie dans la vie quotidienne. Certains patients vivant seuls ou dans un logement avec plusieurs étages sans ascenseur posent problèmes. Cependant, une simple aide ménagère peut être prescrite associée une kinésithérapie à domicile pendant les 3 premières semaines. La tendance actuelle au raccourcissement des durées de séjour en chirurgie voir d'une chirurgie ambulatoire peut inciter les chirurgiens à hospitaliser leurs patients en centre essentiellement pour assurer la surveillance postopératoire. Cette hospitalisation peut alors être courte (8 jours) mais nous rappelons que les suites opératoires sont dans la grande majorité simples, se limitant à une surveillance médicale et des soins infirmiers quotidiens qui peuvent parfaitement être réalisées en ambulatoire. D'autre part, les centres de rééducations sont très souvent à distance du service de chirurgie (plusieurs dizaines de kilomètres) pouvant rendre délicats la gestion des complications précoces. Enfin, dans l'optique d'une bonne orientation des patients, l'hospitalisation en structure de MPR nécessite d'une part un besoin de soins de rééducation "complexes" et d'autre part une perte d'autonomie. Nous avons voulu montrer par notre travail qu'après ligamentoplastie du LCA une rééducation « simple » était suffisante, l'autonomie du patient, quant à elle, étant le plus souvent conservée. Cependant, bien que simples, nous avons consaté que les techniques de kinésithérapie employées n’étaient pas toujours conforme au programme. Ceci nous a amené à simplifier le programme de kinésithérapie et à le rendre plus directif. Enfin, à la lumière de cette étude, nous pensons qu’un suivi médical plus rapproché (hebdomadaire) pendant la première phase de rééducation est souhaitable et pourrait améliorer les résultats en permettant un meilleur respect du programme de kinésithérapie et un dépistage précoce des complications. Nous avons volontairement limité notre étude aux patients qui présentaient une lésion isolée du LCA avec ou sans lésion méniscale et opérés selon la technique « os-tendon rotulien-os » afin que notre série soit la plus homogène possible. D'autres études, en cours d'évaluation, sont nécessaires pour élargir les indications de ce type de programme de rééducation aux autres techniques utilisant les tendons de la patte d'oie (DIDT) qu'elles soient effectuées par arthrotomie ou par arthroscopie ainsi qu'en cas d'association d'un geste tel qu'une plastie externe de Lemaire.
Conclusion
Cette étude montre que la rééducation après reconstruction du ligament croisé antérieur par la technique de "os-tendon rotulien-os" peut être effectuée en ambulatoire dès la sortie du service de chirurgie. Il repose sur un protocole bien défini et simple associant un suivi médical et une rééducation de qualité. La kinésithérapie repose sur des techniques facilement réalisables et peu nombreuses qui peuvent être effectuées à proximité du patient. Le suivi médical doit être régulier, de qualité et effectué par une équipe bien entraînée. Il permet de dépister et de traiter précocement toute complication et d'adapter la rééducation et la réadaptation sportive au progrès fonctionnel de chaque patient (et non en fonction de la date postopératoire). Ce suivi médical est, pour nous, une condition indispensable au succès de l'intervention. Enfin, chaque acteur du protocole (patient, chirurgien, médecin et kinésithérapeute) doit connaître précisément son rôle et le déroulement de la rééducation afin de réaliser le contrat d'objectif défini avec le patient avant l’intervention. Cette rééducation donne des résultats comparables à ceux retrouvés après hospitalisation complète en structure de Médecine Physique et de Réadaptation. Références1. Boileau P., Rémi M., Lemaire M.,
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